Quand le besoin d’aide cache un manque d’affirmation de soi

Derrière un appel à l’aide se cache parfois une difficulté à s’affirmer, qui suscite chez l’autre un comportement de type parental et fausse la relation.

Sur les forums de discussion, de nombreuses personnes viennent chercher conseil, souvent à propos de relations complexes. Ce fut le cas d’une jeune femme qui, souhaitant mettre un terme à une amitié devenue pesante, introduit son message par ces mots : « J’ai besoin de votre aide. »

À première vue, cette formule semble anodine. Pourtant, du point de vue psychologique, elle dit beaucoup. Le mot besoin place immédiatement la locutrice en position de dépendance. Elle ne pose pas une question, elle ne cherche pas un point de vue : elle exprime un besoin, ce qui la situe dans un registre de vulnérabilité, voire d’impuissance.

Quand la demande d’aide devient une stratégie d’évitement

Ce détail linguistique n’est pas anodin. Dans une relation, même avec un forum anonyme, la façon dont on expose un problème révèle la position psychique que l’on adopte. L’affirmation : « J’ai besoin de votre aide » est une manière de s’absenter de la décision. Elle suppose que d’autres vont dire quoi faire, penser, ou dire à sa place.

Cette posture appelle naturellement, chez les autres participants, une réponse de type protectrice. Cela active inconsciemment ce que les théoriciens de l’analyse transactionnelle nomment l’état du « parent nourricier » : celui qui conseille, qui prend soin, mais aussi — potentiellement — qui infantilise. On sort alors d’une relation d’adulte à adulte.

À la fin de l’échange, la jeune femme précise : « J’ai peur qu’elle me demande une explication ou qu’elle veuille débattre, parce que je n’aime pas me justifier. » Ce refus de justification ne témoigne pas ici d’une saine fermeté, mais d’une difficulté à dire les choses simplement, sans s’excuser d’être soi.

Or, dans une relation d’adulte à adulte, nul besoin de justification exhaustive. Il est parfaitement possible de dire : « J’ai du mal à trouver les mots, mais je préfère qu’on prenne de la distance. Ce n’est pas contre toi. » Il y a là un acte de parole qui affirme un ressenti tout en respectant l’autre, sans débat ni défense.

Mais pour cela, il faut être sorti du schéma enfantin qui consiste à demander de l’aide sans oser se positionner. Car paradoxalement, c’est ce positionnement fragile qui, dès le départ, peut déclencher chez l’autre des comportements intrusifs.

Une dynamique relationnelle co-créée

Dans le cas évoqué, l’amie qu’elle souhaite quitter a reconnu avoir été intrusive, avoir prodigué des conseils sans en avoir été sollicitée. Elle s’en excuse, mais exprime aussi son incompréhension : pourquoi rompre pour cela, sans discussion ?

Et l’on comprend qu’une dynamique s’est installée. Dès le départ, il est fort probable que la plaignante se soit montrée confuse, peu assurée, en demande implicite de repères. Ce comportement a pu activer chez l’autre un rôle de parent protecteur, pensant bien faire, en comblant ce qu’elle percevait comme des manques.

On ne peut donc juger cette amie comme intrusive sans reconnaître la co-création inconsciente de cette dynamique. Ce n’est pas toujours l’intrusif qui est en faute : c’est parfois le flou de l’autre qui attire les conseils, les gestes de contrôle, les tentatives de « l’aider malgré elle ».

Il faut se méfier des récits univoques, parfois dans les forums. Lorsqu’on demande des conseils à propos d’une relation, il est rare que tous les éléments soient sur la table. Dans ce cas, ce qui semblait un simple besoin d’aide révélait en fait une posture d’enfant cherchant l’approbation d’un groupe, incapable de se positionner seule.

Ce type de posture est courant : il naît souvent d’un manque de confiance, d’un passé où s’affirmer coûtait trop cher, où les émotions n’avaient pas leur place. Mais persister dans cette posture empêche toute relation véritablement adulte, équilibrée, respectueuse des deux individualités.

 

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Retrouver un soi solide pour pouvoir s’affirmer

La sortie de cette dynamique ne consiste pas à devenir brutal ou froid. Elle consiste à apprendre à dire je avec respect et clarté. À ne pas demander de permission pour ressentir ce que l’on ressent. À oser dire : « Je ne souhaite pas continuer cette amitié » sans se perdre en explications ou en culpabilité.

C’est là l’apprentissage de l’affirmation de soi. Un apprentissage lent, mais essentiel, pour sortir de la confusion, de la peur de blesser, du besoin d’être aimé à tout prix — et construire des relations où chacun peut exister pleinement, sans se suradapter ni se sentir obligé de sauver l’autre.

Comme le disait Carl Rogers, « la curieuse paradoxale, c’est que lorsqu’on s’accepte tel qu’on est, alors on peut changer. » Et pour certaines personnes, le problème ne se limite pas à un manque d’affirmation : il s’agit d’un manque de soi. Une absence d’ancrage intérieur, qui pousse à adopter des personnalités d’emprunt pour correspondre aux attentes des autres.

Donald Winnicott parlait du « faux self » : cette version adaptée de soi-même, créée pour survivre dans un environnement où il était risqué d’être authentique. Ces individus peuvent sembler socialement fonctionnels, mais se sentent profondément absents à eux-mêmes.

Le psychologue américain James Masterson décrivait ces personnalités comme « auto-abandonnées », ayant appris très tôt que leurs vrais besoins ne seraient pas pris en compte. Pour éviter le rejet, ils deviennent ce que l’on attend d’eux, mais au prix d’un vide intérieur profond.

Ces personnes ont besoin d’aide non seulement pour s’affirmer, mais pour apprendre à se découvrir. À reconnaître leurs besoins, leurs limites, leurs préférences. À construire, peu à peu, un sentiment de soi cohérent et durable. C’est cette stabilité identitaire qui ouvre ensuite la voie à l’estime de soi, car l’on ne peut s’estimer que si l’on sait qui l’on est.

Ainsi, derrière une simple demande d’aide se cache parfois un immense chantier intérieur. Une quête de soi, fragile mais nécessaire, qui mérite toute notre attention bienveillante.

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