Manger compulsivement : quand tout va bien en apparence
Pourquoi mange-t-on compulsivement même quand tout va bien ? Une psychologue explique le rôle caché de la détresse affective dans ces troubles.
Aujourd’hui, lorsque quelqu’un consulte un médecin pour des troubles alimentaires, la première étape est souvent d’écarter une cause organique. Et dans la grande majorité des cas, aucune anomalie biologique n’est détectée. Pourtant, même en l’absence de pathologie, l’explication reste souvent centrée sur une mauvaise hygiène alimentaire ou un manque d’information nutritionnelle. Comme si tout pouvait se régler avec une meilleure connaissance des aliments. Mais ceux qui mangent de façon compulsive ne sont pas ignorants. Ils savent. Et pourtant, ils continuent.
Car le problème n’est pas dans l’assiette, mais dans l’intériorité
De nombreuses personnes qui mangent compulsivement vivent une vie parfaitement fonctionnelle. Elles ont un bon métier, une vie de famille équilibrée, parfois même un couple solide. Elles cochent toutes les cases de ce que l’on considère comme « une vie réussie ». Et c’est précisément pour cela qu’elles ne se reconnaissent pas dans l’expression détresse affective. Ce mot leur semble trop fort, trop dramatique, ou tout simplement inadapté à leur réalité. Pourtant, malgré cette apparence de stabilité, elles mangent en cachette, dans l’urgence, sans faim. Parce que quelque chose en elles a besoin d’être calmé.
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Derrière la compulsion alimentaire, une détresse affective silencieuse
Les psychiatres spécialisés dans les troubles du comportement alimentaire savent que ces comportements ne relèvent pas d’un dysfonctionnement biologique. Ils prennent racine dans un vide affectif profond, souvent inconscient. Ce que les psychologues et les psychanalystes confirment : il ne s’agit pas de simple gourmandise ou de perte de contrôle passagère, mais d’une stratégie inconsciente pour apaiser un trop-plein émotionnel.
Toute la question devient alors : comment comprendre ce manque d’estime de soi ? Car beaucoup de patients ne ressentent pas consciemment de souffrance intérieure. Ils sont performants, efficaces, souvent très engagés dans leur vie professionnelle ou familiale. Mais dès qu’un espace se libère, dès que le silence revient, ils mangent. La nourriture vient combler un vide qui n’a pas de nom.
Aujourd’hui, la psychiatrie moderne propose de renforcer l’image de soi à travers des méthodes variées : hypnose, EFT, groupes thérapeutiques, affirmation de soi, ou encore apprentissage de la non-violence relationnelle. L’objectif n’est pas de supprimer la compulsion alimentaire de force, mais d’aider la personne à se sentir légitime, digne, aimable. En développant une forme d’« échine psychique », on apprend peu à peu à se tenir debout à l’intérieur de soi-même, sans avoir besoin de manger pour tenir.
Car cette sensation d’être perdu, de ne pas savoir où l’on se situe dans la relation aux autres, ou dans sa propre vie émotionnelle, est souvent ce qui déclenche la crise alimentaire. Une fois la nourriture ingérée, l’angoisse se calme. Mais elle revient. Et avec elle, la honte. Puis une nouvelle crise. Le cercle est infernal.
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Revenir à soi pour se libérer des crises alimentaires
Le travail thérapeutique ne s’attache pas d’abord à ce que la personne mange, mais à ce qu’elle ressent. On explore ce qui est tu, ce qui a été vécu sans pouvoir être exprimé, on cherche les mots pour le dire. Et idéalement, comme l’authenticité ne suffit pas, on apprend à avoir une parole impeccable, c’est-à-dire, quand on parle à l’autre, on réussit à s’affirmer avec douceur, en étant attentif à ne pas blesser les gens